top of page

Le flexitarisme, un mot qui en vaut mille

À l’heure où le végétarisme et le véganisme sont souvent au cœur des débats de société, un régime alimentaire se fait plus discret et est pourtant beaucoup plus répandu chez les Français : le flexitarisme. Ce mot presque barbare entré dans le dictionnaire en 2018 est désormais au cœur de l’alimentation en France... sans que personne n’arrive à le définir de la même manière. Un trouble sémantique sur lequel s’appuient certains organismes.

Aujourd’hui, 49% des Français se considèrent comme flexitariens, contre 25% en 2016 (étude Kantar 2022). Preuve d’un essor grandissant pour ce régime. Il faut dire qu’il a tout pour séduire : une alimentation équilibrée et rationnée en ne se privant d’aucun aliment, pas même de la viande.


Tous flexitariens ?

Le flexitarien ne se rattache pas à des critères socio-démographiques pré-définis : de tous âges, de toutes classes sociales, les profils sont divers et non pas cantonnés à une image très urbaine et appartenant aux catégories socio-professionnelles supérieures comme peuvent l’être les vegans. Il n’y a d’ailleurs même pas besoin de connaître le mot pour appliquer ses principes. De nombreuses personnes que nous avons interrogées reconnaissent en effet manger moins de viande depuis un certain temps, sans pour autant se définir comme flexitarien.ne... Certains ne connaissant même pas le mot. Daniel, 61 ans, explique que “depuis plus d’un an, [il] ne mange que très peu de viande et l’a remplacée par du poisson ou des repas 100% végétal composés uniquement de légumes”. Pour autant, il n’avait jamais entendu parler de flexitarisme. Sommes-nous au final tous flexitariens sans le savoir ? Pas forcément, en réalité. Beaucoup de Français continuent de consommer tous les jours de la viande, par habitude ou par choix.

Les raisons du changement d’alimentation d’une partie des Français sont diverses et propres à chacun. Toutefois, on relève deux grands arguments qui expliquent ce choix : l’écologie et la santé. De plus en plus de personnes s’intéressent de près à la protection de l’environnement, au bien-être animal et au réchauffement climatique. D’ailleurs, la production bovine représentant 14.5% des émissions de CO2 en France, il est clair que la diminution de la consommation de viande a un impact sur l’environnement. L’argument de la santé est valable aussi comme le montrent les études : la consommation de viande rouge augmenterait de 31 à 36% les risques de cancers ou maladies cardio-vasculaires (source: AACR). Patricia, 60 ans, nous a déclaré avoir réduit sa consommation de viande “d’abord pour préserver ma santé mais de plus en plus pour la planète. Je vais avoir des petits enfants et il faut penser à eux. L’appui des enfants, qui sont de plus en plus sensibilisés, est essentiel auprès des parents pour leur faire prendre conscience des progrès à faire.”


Une définition difficile à trouver

Le flexitarisme pourrait presque se décrire comme un régime propre à chaque individu. Pour Jeff, 30 ans “le flexitarisme c’est celui qui mange de façon équilibrée, variée et en petite quantité un peu tous les produits qui existent” alors que pour Emilie, 26 ans c’est “faire un pas en direction du végétalisme sans être prêt à abandonner complètement viande et poisson mais en se rendant compte des enjeux environnementaux et du bien être animal”. En clair, aucune des personnes que nous avons rencontrées ne nous a donné la même définition de ce concept.

Pourtant d’après le dictionnaire Larousse, est défini comme flexitariste “une personne avec un mode d’alimentation principalement végétarien, mais incluant occasionnellement de la viande ou du poisson”. Du côté de ‘Naturellement Flexitariens’, une organisation qui a pour but de promouvoir le flexitarisme auprès du grand public, on définit les pratiquants à ce régime comme “les omnivores du XXIème siècle, qui ne se privent pas de viande, mais en achètent de meilleure qualité”. Seul hic dans ce positionnement : ‘Naturellement Flexitariens’ est une organisation créée par Interbev, l’association nationale des métiers de la viande.


Un régime au service des lobbies ?

Au milieu des allées remplies de boeufs et cochons, il est vrai qu’au premier abord, le stand “Naturellement Flexitariens” du Salon de l’Agriculture peut sembler peu à sa place. Présent depuis 2019 sur le salon, l’organisme s’affiche pourtant en long, en large et en travers sur un stand d’une taille défiant toute concurrence. Et pour cause : il fait partie de l’emplacement réservé à Interbev, autrement dit le représentant de toute la filière mise à l’honneur au salon. À coup d’affiches, de podiums, de bannières géantes et de slogans “Aimez la viande, mangez en mieux” à tout va, le stand se repère de loin et attire vite visiteurs, curieux et gourmets. “Naturellement flexitariens” propose tout au long de la journée des battles de cuisine avec recettes alliant viande et légumes, le tout supervisé par de grands chefs. Les goodies coulent à flot, la viande également.


On s’éloigne donc fortement de la définition classique du flexitarisme qui vise à manger moins de viande. Du côté des associations de protection animale, c’est l’agacement qui prédomine. “Face à l’offre de plus en plus importante d’alternatives végétales dans les magasins, le lobby de la viande a détourné le message important du flexitarisme qui est ‘manger moins de viande’ en ‘manger de la meilleure viande’. Ils se sont appropriés un concept déjà existant” s’exaspère Barbara Boyer, porte-parole chez L214. Mais l’organisation se défend de toute récupération du mouvement : “On ne va pas communiquer sur le fait de consommer moins de viande vu que nous sommes partis du postulat que c’était déjà le cas. On a donc choisi de demander aux gens de manger de la meilleure qualité. On a eu une remise en question il y a plusieurs années, notre filière est en constante transformation et on veut que le public le sache.” plaide Salima, l’une des responsables du stand.


Alors que la filière viande veut proposer sa propre définition du flexitarisme pour continuer de séduire et répondre au mieux aux attentes de la population, cette dernière reste encore hostile à l’idée de se coller une étiquette. Au contraire de végétariens et vegans qui se revendiquent, les flexitariens se fondent dans la masse d’un peuple conscient des enjeux de demain en termes d’écologie sans pour autant en faire une obsession à chaque coup de fourchette.


3 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page