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François Jost, sémiologue spécialiste des médias: "Les candidats sont devenus des comédiens"

D'année en année, les profils des acteurs mais également consommateurs de la télé-réalité a fortement évolué, suivant plus ou moins les changements de la société. François Jost, sémiologue spécialiste des médias et auteur de plusieurs ouvrages sur la télé-réalité, décrypte les évolutions du secteur et la part belle faite au clash plus qu'au naturel.

Vous analysez le milieu de la télé-réalité depuis plusieurs années: quelles évolutions avez-vous vu dans le comportement des candidats ?

Ce qui change dans la télé-réalité d’aujourd’hui, c’est que les candidats sont devenus des comédiens. Ils sont répertoriés et engagés comme tels. Ils ont une conscience assez forte de ce que la production leur demande et jouent le jeu. C’est assez différent du début de la télé-réalité, car aujourd’hui il n’y a plus de direct, toutes les émissions du genre sont enregistrées. Les candidats font donc un travail sans aucune naïveté comme il pouvait y avoir au début.


Le profil des téléspectateurs a-t-il également changé ?

Oui bien sûr. Avec la télé-réalité sur les chaînes de la TNT, on a assisté à la création de spectateurs “de niche”, assez repérables dans leur âge, avec beaucoup d’étudiants ou lycéens. C’est assez différent des premières télés-réalité comme Koh Lanta ou Star Academy, qui s’adressent plus à un public familial. On a désormais une différence notable entre grandes chaînes et petites chaînes : les chaînes de la TNT s’adressent à ce public de niche, des adolescents attirés par les clashs alors que TF1 veut toucher le plus large et familial public. Ces grandes chaînes savent à quel point la bienveillance est essentielle.


Comment en est-on arrivé à une telle banalisation du harcèlement et du sexisme dans la télé-réalité ? Est-ce un reflet de la société ?

Je ne suis pas sûr que ce soit un reflet de la société. La télé-réalité est basée sur des personnages stéréotypés. La télé-réalité n’avance pas au même rythme que la société. Les modèles d’hommes et de femmes sont des modèles très particuliers, pas du tout représentatifs des Français. Je me sens par exemple loin de ces corps bodybuildés. Et puis la télé-réalité, c’est un univers en soi qui favorise les méchancetés diverses. Dans mon livre La méchanceté en actes à l'ère numérique, je parlais déjà de ces femmes moquées et ciblées dans la télé-réalité. Mais j’espère que cet univers est très loin de la réalité sociale française.


Faut-il s’attendre à une fin de la télé-réalité en France ?

La télé-réalité a tellement changé depuis ses débuts où vous aviez du direct, des votes de téléspectateurs. On est passé à des émissions enregistrées et montées. Ça peut donc encore évoluer. Les émissions de télé-réalité c’est comme des yaourts: on a des yaourts brassés puis des yaourts avec morceaux, ensuite des yaourts aux arômes. On change la formule marketing fréquemment pour donner des variations mais c’est toujours le même produit. Je n’exclue pas que ça continue avec d’autres formules comme certains jeux qui ont une très longue durée de vie. De toute façon, cela fait très longtemps que ce n’est plus de la télé réalité, ça ne l’a jamais été, c’est devenu du vrai divertissement avec un désir du téléspectateur de regarder ce type de programmes.


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