Amazon va-t-il aussi tuer le sport ?

Billet d'humeur

l y a tant de choses et de personnes qu’Amazon pourrait remercier. D’abord le COVID, qui a entraîné la fermeture de millions de petits commerces et attiré les consommateurs vers ce qu’elle a créé : un mastodonte du e-commerce. Ensuite, les gouvernements, qui permettent encore aujourd’hui à l’entreprise américaine de ne payer que très peu d’impôts, voire pas du tout comme en France, malgré des milliards de dollars de chiffre d’affaires chaque année. Et puis ses employé.e.s, qui se battent 24 heures sur 24 pour satisfaire les quelque dizaines de milliers de commandes réalisées par minute (rien qu’aux États-Unis). Et désormais les grands acteurs du sport mondial, qui font confiance à l’entreprise créée par Jeff Bezos pour lui offrir les droits de diffusion des grands championnats de football européen ou du tournoi de Roland-Garros.

mazon n’est pas arrivée dans le sport simplement car elle a vu de la lumière au bout du couloir et a décidé de passer une tête. Elle a saisi l’opportunité laissée par les échecs cataclysmiques de Mediapro et Telefoot de faire bataille avec Canal+ et Bein Sports et de diversifier son offre. Elle s’est imposée peu à peu et a su convaincre la planète foot française qu’elle serait un partenaire à la hauteur, dans ses engagements, dans sa couverture ou son choix de consultants. Le monde du football a su être conquis mais l’autre sport récupéré par la plateforme, le tennis, peine à se laisser séduire par les charmes d’Amazon. Alors oui, ils ont aussi récupéré des grands noms du journalisme comme Clémentine Sarlat et du sport comme Marion Bartoli et Patrick Mouratoglou mais ça ne suffit pas à charmer les puristes, habitués pendant des décennies à profiter du tournoi de Roland-Garros en clair, sur le service public.

lors oui ces puristes seront les mêmes qui critiqueront les fameuses bascules de France Télévisions qui ose passer de la 2 à la 3 en plein tie-break entre Zverev et Alcaraz. Oui ce seront les mêmes qui critiqueront les commentateurs. Oui ce seront les mêmes qui critiqueront la couverture car un certain match est préféré à un autre. Mais cela fait désormais partie du patrimoine télévisuel français, qu’on le veuille ou non. La couverture de France Télévisions, que ce soit pour Roland-Garros ou d’autres évènements sportifs, a permis à une large partie de la population de s’intéresser au sport et d’en découvrir certains, comme avec les Jeux Olympiques. J’ai aimé le sport car il était gratuit, car il était accessible, car il permettait à tout le monde de se réunir devant son écran et de partager un bon moment et des milliers d’émotions. Alors Amazon aura beau la jouer grand seigneur en laissant généreusement tous les passionné.e.s de sport regarder l’affiche Nadal-Djokovic de Roland Garros en night session gratuitement, cela ne change pas le problème.

evoir payer un abonnement pour regarder du sport n’aide pas le milieu. Oui Amazon va poser son chèque aux multiples zéros sur la table et après ? Quels arguments avancent Amazon pour convaincre les différentes fédérations et ligues professionnelles que son offre est la meilleure ?

Pas d’arguments d’audience dans tous les cas, la plateforme de streaming étant tout aussi vague que ses concurrents sur le nombre de téléspectateurs regardant les matchs sur Prime.

ifficile de dire si Amazon tue le sport dans sa globalité. Mais elle tue cette découverte innocente du sport. Ce moment où tu zappes d’une chaîne de la TNT à une autre comme ça, sans but ni vraie attention, et que tu tombes sur quelque chose que tu ne connais pas, ce sport que tu n’as jamais vu ou dont tu as vaguement entendu parler. Cet instant où tu restes devant ta télévision, subjugué par la beauté d’un match, l’intensité d’une course, l’habilité d’un passage sur la glace ou sur des tatamis. C’est comme cela que j’ai aimé le sport. Comme tant d’autres avant moi. Et comme tant d’autres après moi, encore longtemps, tant que les géants n’auront pas tout pris de ce qui reste l’une des passions les plus authentiques de la vie.