La santé mentale des athlètes de haut niveau est devenue ces derniers mois un sujet de plus en plus abordé. Simone Biles, Naomi Osaka, Rafael Nadal, Michael Phelps... nombreux sont les athlètes qui ont décidé de parler ouvertement de dépression, de burn out, de la pression médiatique dues à leur statut de star du sport. Mais les médias et journalistes peuvent-ils être tenus responsables de la santé mentale en berne des sportives et sportifs de haut niveau ? Réponse en trois points avec Alexis Ruffault, chercheur en psychologie appliquée au sport de haut niveau à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance.
Comment est-ce que l’on analyse la santé mentale d’un athlète ?
Habituellement, pour poser un diagnostic, on réalise un examen clinique et on vérifie s’il y a des symptômes pour les troubles que l’on suspecte. La plupart du temps, on vérifie s’il y a présence de symptômes dépressifs ou anxieux. Cet entretien est directif, c’est-à-dire qu’on pose des questions fermées (questions avec réponses prédéfinies). Les psychologues n’ont pas d’autorité pour poser un diagnostic, c’est le rôle des psychiatres. Ce qu’on fait nous en recherche, c’est qu’on fait passer des questionnaires psychométriques avec des questions à échelles d’accord (pas du tout d’accord, d’accord, etc.) ou de fréquence (cela m’est arrivé fréquemment, pas fréquemment, etc.). Ces questionnaires sont très longs à réaliser car on compare ensuite les résultats auprès d’une population clinique.
On constate une certaine libération de la parole concernant ce sujet de la santé mentale. Y a-t-il toutefois plus de cas qu’avant ?
Pour ce qui est de la santé mentale des sportifs, ce qui fait qu’on en parle plus c’est que les sportifs sont mieux soutenus par les institutions et les syndicats. En France, on a la chance d’avoir un suivi médical réglementaire avec des examens annuels. Ce suivi fait qu’un sportif qui est en détresse va être détecté assez rapidement. On a moins de cas qui passent à la trappe. On est quasiment le seul pays au monde à avoir un suivi aussi réglementé en place. On a aussi des entraîneurs qui sont de plus en plus sensibilisés à ces thématiques et qui vont favoriser la motivation et aider à gérer les situations stressantes. Un préparateur mental n’est pas indispensable, mais il le devient si un athlète n’a pas les ressources suffisantes.
Y a-t-il un réel impact des médias sur les sportifs et sportives de haut niveau ?
Pas directement. Ce qui pose souvent problème ce sont les sollicitations, des médias mais aussi d’autres personnes. Le fait d’être sur-sollicité va être un facteur de risques car cela entraîne du stress et empêche les activités de détente. Les sollicitations au sens large vont amener vers des troubles de la santé mentale. Mais bien évidemment, la médiatisation peut avoir des effets positifs. Les plus jeunes vont trouver cela valorisant d’avoir de l’attention et être le sujet d’articles, tout dépendant du contenu. Il appartient aux sportifs de s’adapter aux médias mais aussi aux médias de changer leur approche. On ne peut pas enlever toutes les pressions il est vrai. Mais quand on voit le cas de Naomi Osaka à Roland Garros 2021 où elle était complètement bousculée par les questions posées, on peut se dire que les médias feraient mieux de prendre des pincettes. Les médias doivent faire preuve d’un côté humain, qu’ils ont parfois oublié. Comme pour tout, il y a des bons et des mauvais journalistes.
Il appartient aux sportifs de s’adapter aux médias mais aussi aux médias de changer leur approche. - Alexis Ruffault
La sous-médiatisation, des femmes athlètes ou des « petits » sports, n’a pas que des effets négatifs. Quand cela fait partie de la culture de ne pas être médiatisé, on s’y habitue assez rapidement. Les sources de reconnaissance viennent parfois d’ailleurs : du staff, des fans et des proches. Ces soutiens peuvent servir de support pour se sentir valorisé dans un milieu sans couverture médiatique. Les sports qui sont moins médiatisés sont d’autant plus contents quand il y a un papier à leur sujet. Il est toutefois difficile d’analyser clairement le rapport entre sportifs et journalistes. Dans le sport, les recherches sont financées en fonction des priorités actuelles en termes de recherche et d’optimisation de la performance. En ce moment nous sommes plus axés sur comment rendre les sportifs plus performants en vue des Jeux Olympiques de Paris 2024. Les recherches sur l’impact des médias sont donc secondaires.
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