Femme d’affaires un temps adulée par le monde de la télé-réalité, elle est devenue la risée de toute une génération. Portrait.
Ecrire « Magali Berdah » dans la barre de recherche de Twitter relève d’une exploration assez
chaotique du monde d’Internet. Messages insolants venants du rappeur Booba, insultes et moqueries d’internautes, articles de presse reprenant les déboires de la femme d’affaires et son agence… Les tweets se comptent par milliers, dizaines voire centaines de milliers lorsque Magali Berdah est au cœur d’une nouvelle polémique. Dernière en date: le reportage que l’émission Complément d’Enquête sur France 2 lui a consacré en septembre dernier. L’émission du service public revenait sur l’ascension de l’entreprise de cette femme d’affaires de 41 ans, mais surtout sur toutes les dérives qu’avait entraîné son business.
Des dettes aux vedettes
Et pour comprendre le business de Magali Berdah, il faut remonter en 2016. Alors surendettée, escroquée et paumée, la jeune entrepreneuse découvre les émissions de télé-réalité incontournables de l’époque : Les Anges de la Télé-réalité, Les Marseillais ou encore Les Princes de l’amour. A l’époque, les candidates et candidats qui participent à ce genre d’émission enchaînent les tournages. Mais dès que les caméras s’éteignent, ces jeunes se retrouvent sans travail ni source de revenus fixe. C’est là que Magali Berdah intervient : pourquoi ne pas monnayer le visage de ces personnalités connues et reconnues des jeunes et en faire un business ? Apparaissent alors Shauna Events, du nom de la fille de l’entrepreneuse, le placement de produits et le désormais connu terme d’influenceurs.
Toujours juchée sur ses talons aiguilles, coiffée d’une haute queue de cheval et équipée de son iPhone devenu extension d’elle-même. Cet attirail semble avoir façonné son image de femme d’affaires. Magali Berdah part donc à la recherche d’entreprises souhaitant collaborer avec elle et les quelques influenceurs qu’elle compte déjà dans son catalogue. Des marques peu connues du grand public, aux produits jugés douteux, issus du dropshipping et parfois dangereux pour le consommateur, sont alors en mesure de s’offrir des campagnes de communication à moindre coût et aux retombées assez importantes.
L’entreprise grossit de jour en jour. Toutes les stars de télé-réalité à quelques exceptions près sont sous l’égide de Magali Berdah, considérée alors comme la seconde maman de toutes ces pseudo-stars. Et cela marche : en 2018, elle est rachetée par l’un des poids lourds du divertissement, Banijay. En 2020, la société pesait 40 millions d'euros de chiffres et aurait dégagé un bénéfice net de trois millions d'euros. En 2021, Magali Berdah, ou MB pour les intimes - initiales qu’elle affiche même autour de son cou - est désignée par le magazine Forbes comme l’une des femmes les plus influentes de l’année en France.
Et autres que les influenceurs, les politiques se l’arrachent aussi. Dans des stories Instagram assez ubuesques datant de 2021, on la voit chanter dans le bureau de Marlène Schiappa, alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, en compagnie de plusieurs de ses « filles ». L’objectif de la réunion ? Inciter ces personnalités à sensibiliser le jeune public sur les violences sexuelles et sexistes. Pendant la présidentielle de 2022, elle s’improvise journaliste politique et interviewe Valérie Pécresse, Eric Zemmour ou encore Marine Le Pen pour des vidéos Youtube visionnées des centaines de milliers de fois.
Le retour des ennuis
C’est à partir de ce moment-là que les internautes déchantent réellement : quelle est la légitimité de Magali Berdah pour interviewer les figures politiques de l’hexagone ? Beaucoup s’offusquent de ce cirque médiatique et du côté de Magali Berdah, les problèmes s’enchaînent : accusations d’agressions sexuelles, d’harcèlement voire de viol pour certains des candidats qu’elle chapeaute ; polémiques liées aux placements de produits réalisés par ses influenceurs ou encore vieilles affaires la concernant qui ressortent - elle aurait escroqué un homme de 96 ans mais aussi trompé son mari avec le cousin d’un candidat de télé-réalité.
Les accusations se multiplient de mois en mois mais Magali Berdah tient le cap, enfin presque. Pour amadouer l’audimat et montrer son désarroi, elle se filme à plusieurs reprises en story Instagram en train de pleurer, en particulier quand le rappeur Booba essaie de la faire tomber. L’artiste mène en effet depuis le printemps dernier une large bataille pour stopper le business de la papesse des « influvoleurs », terme qu’il a inventé.
Son business vacille ainsi de plus en plus, son chiffre d’affaires a été divisé par trois, et est décrié par une large partie de l’opinion publique et de la classe politique et médiatique. Aujourd’hui, certains députés tentent même de faire passer une loi pour réguler davantage son secteur.
Et tous ces déboires n’ont fait qu’en entraîner d’autres : Stéphane Courbit et Banijay ont acté le divorce et certaines de ses clientes lui réclament plusieurs millions d’euros pour avoir été manipulées. Les réseaux sociaux sont quant à eux devenus le plus gros bureau des plaintes pour Shauna Events et ses activités et surtout une source incessante d’insultes et menaces, qu’elle reçoit chaque jour par dizaines dans ses messages privés sur Instagram. Auparavant (re)connue uniquement dans le milieu de la télé-réalité, Magali Berdah est aujourd’hui devenue une cible à abattre.
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